mercredi 26 janvier 2011

Yoko Ogawa



C’est une femme, vivante, japonaise.
         Ultra connue dans son pays et dans le monde, largement diffusée en France par Actes Sud.
         On reconnaît son univers à sa bizarrerie discrète. L’étrange est omniprésent, quotidien et vraisemblable, traité sur un pied d’égalité avec la description scrupuleuse de l’horaire du tramway ou d’une recette de confiture. Plus elle va loin dans le surnaturel ou dans une certaine forme désincarnée de violence et de sexe, moins elle se départit de sa méticulosité à décrire les émotions et les lieux. C’est d’ailleurs un grand plaisir de retrouver à chaque fois une vraie écriture des sens ; d’autant plus qu’en bonne japonaise qui se respecte, elle parle de cuisine et nourriture avec beaucoup de sérieux. Miam. 

           Ne vous attendez donc pas à du spectaculaire. Le ton est familier et délicat, en vif contraste avec des histoires qui ne laissent jamais indifférent.

           Yoko Ogawa est spécialiste des formats courts, des petits bijoux ciselés de finesse et d’étrangeté qui raviront les lecteurs de nouvelles. Rien de tel pour s’extraire efficacement d’un trajet de métro – si je devais en choisir une je dirais la nouvelle Les Paupières, dans le recueil du même nom.
           Mais pour ceux qui comme moi réclamaient du volume, des pages à tourner, Actes Sud a traduit fin 2009 Cristallisation secrète, un vrai roman de 350 pages qu’on trouve en bonne place dans toutes les librairies.

             Dans un Japon facilement reconnaissable, la vie est rythmée par les disparitions. D’un jour à l’autre, sans prévenir, le pays se réveille et constate que, cette fois, c’est le parfum, le ferry ou les oiseaux qui ont « disparu ». Les choses qui ont disparu s’effacent progressivement des mémoires, détruits ou laissés à l’abandon. Une police secrète sinistre traque les quelques anormaux qui gardent la faculté subversive de se souvenir et de s’émouvoir de la mémoire des choses. En parallèle de l’action s’écrit le roman auquel travaille la narratrice.

             Au-delà de la métaphore totalitaire, l’angoisse tendue dans une montée très discrète tient le roman d’un bout à l’autre. Si cette lecture m’a d’abord laissée oppressée, dépouillée avec les personnages de tout ce qui nous fait humains et vivants, elle m’a offert en rebond une impression fugace et extraordinaire : celle de sentir son cœur se regonfler d’un coup de tout ce qui fait la couleur et le sel de l’existence.

              C’est dense, fort et cohérent, subtil et poétique. Vous m’en direz, j’espère, des nouvelles !

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