mercredi 26 janvier 2011

Marché d'Aligre


La pluie a réveillé cette nuit des rêves de tempête qui s’estompent lentement devant le café du petit monsieur aux mitaines, celui qui fait des madeleines douces comme un souvenir. Un marché d’hiver qui se déguise, voilà ce qu’évoquent sur les étalages quelques tomates et poivrons, vaguement mous, un peu crus, un peu blets. Cette semaine, même les patates ont eu froid. Des roses congelées piquent du nez dans leur bac.
Les enfants dans les poussettes ne montrent qu’un ou deux yeux, réduits au silence, dans leur torpeur emmitouflés. Les crieurs ont la voix rauque des mauvais jours, les joues crevassées, le doigt douloureux.
Incrédule hésitation du voisin poivre et sel quand la jolie poissonnière lui demande à brûle-pourpoint s’il les préfère déshabillées. Quelqu’un d’invisible le pousse du coude : les soles, bien sûr. Ah ! rougit-il. Oui, oui, très bien, dé… déshabillées, alors.
Une petite fille rouge court contre le vent, répandant un chapelet de bulles molles. Des montagnes de crème et de pâte croquante clignent de l’œil derrière les vitres.
Le pain réchauffe les mains, le fleuriste est fermé. Il est trop tard pour retourner.
Des rafales venues de très loin ont emmené les nuages et le ciel est haut, soudain. Si haut qu’il me parle déjà d’avril, à l’oreille. Un secret que je cache dans mon bonnet comme une promesse.
C’est un dimanche dégelé. Un dimanche perce-neige.

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