mercredi 26 janvier 2011

Sylvia Plath


Il paraît que c’est la ( ?) journée de la femme. J’aimerais profiter de cette occasion pour vous parler de Sylvia Plath.

Une femme, donc. Américaine de Boston, morte en 1963 à l’âge de 31 ans.
Pourquoi elle en particulier? Parce que cette écriture-là est sexuée. Au sens physique comme au sens social.
Le temps, d’abord : celui qui vieillit son visage dans Le miroir n’a pas le même sens que celui qui fait blanchir les tempes d’un homme. Quand elle ose un poème sur son visage lifté, ce qui serait grotesque sous une autre plume, elle crie le rapport à la mère,  au vieillissement.
Puis le rapport au corps qui véhicule la marque de son genre, dans un vocabulaire organique omniprésent : giron, womb, sang, placenta, tentacules, seins, mâchoires, boyaux.
Le rapport au monde, aussi. On y est enfant fascinée d’une mère liftée et rose, épouse d’un gardien de zoo, mère allaitant dans la nuit, femme stérile… Et bien sûr, à travers la lecture de son œuvre, à elle, sélectionnée et triée par son mari, on y devient poète femme de poète, entre les mains
Reste la maternité, en tant que plongée lumineuse dans le monde de l’enfance (Child), mais aussi de contingences et d’oppression. Le quotidien, dans la fulgurance de l’instant présent (Candlelight). Et la terreur primale d’enfanter un monstre (Thalidomide).
L’homme quant à lui fait toujours défaut, à l’image du père mort très tôt et du mari infidèle, mais rassurez-vous, les femmes aussi en prennent pour leur grade avec leur frustration et leur méchanceté (Lesbos)…
Au-delà de ces particularités, reste un poète comme les autres, capable d’une liberté très étonnante quand elle évoque sa jambe dans le plâtre (Plaster) ou la solitude hallucinée du chirurgien dans la nuit (Surgeon at 2 AM, chaudement recommandé aux médecins qui me lisent).
Une voix moderne, à la première personne, toute une œuvre empreinte de vérité. Le rythme en anglais est haletant, les mots courts galopent. Merci, oh merci à la nrf qui a l’infinie délicatesse de publier ces poèmes en édition bilingue ! Même si vous ne comprenez pas tout, prenez le plaisir de les voir en anglais, ou mieux, de les lire à voix haute. La traduction est fine et présente, mais elle serait amputée sans la musique des consonnes originales. Il faut sentir le choix des mots rudes, parfois argotiques, pour voir le décalage comique, l’autodérision qui allège toute cette souffrance.
 Névrosée, Sylvia Plath l’était sans aucun doute (voir son auto-biographie bien peu romancé, the bell jar, La cloche de détresse). Orpheline, femme quittée, poète flouée, prise en tenaille entre sa mère et son mari. Terriblement humaine. Elle finit par se suicider au gaz, la tête dans le four, non sans avoir préparé le goûter des enfants sur la table…
Amour, souffrance, lucidité douloureuse et ironie. Alors, serait-ce ça, une littérature de femmes ?




Arbres d’hiver, précédé de La traversée, nrf poésie. 280 pages.


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