jeudi 27 janvier 2011

Péché manquant



Le brouhaha de la piscine alterne avec le silence de l’eau au rythme de la nage. Ça fait maintenant un moment que je suis là et l’eau paraît meilleure. Je compte les mouvements, les respirations, les longueurs. Plus que neuf, huit… Je repense à cette idée de série. Sept… C’est un bon chiffre, sept. Comme les pêchés capitaux.
Je vois bien l’Avarice, sa bouche pincée dans un sourire à l’envers. La Colère, défigurée de rides et de bourrelets. Sous la douche au milieu des corps, me revient la Luxure, qui louche et bave. Face au miroir, un monsieur chauve sèche amoureusement les poils de son torse à l’air chaud de la machine. La Vanité, peut être ? Je ne me souviens plus. Un ado dévore une barre énergétique sous mon nez et je file au distributeur. Ce que j’aime dans les Mars, c’est l’alternance de texture craquant, mou, coulant… mmh
Dans le froid de la rue je reprends mon inventaire. La Jalousie... Ridicule et dévorante. Le regard en coin. Je manque de rater mon bus, fascinée que j’étais par le mur de poulet qui embaume devant la rôtisserie, et j’attrape au vol la Paresse. Celui-là dort, la bouche ouverte. A l’arrêt suivant, une dame avec un sac de chez Berthillon me bouscule. C’est une drôle d’idée de manger des glaces en hiver. Quoi que. Avec un bon gâteau au chocolat, tout chaud… Paris défile, à gauche les contreforts de Notre Dame, à droite les lumières de Bercy sur le noir velours de la Seine. Que c’est beau ! Et les parisiens qui marchent dans la nuit du pont. La Rêverie ? Non, ce n’est pas un vrai pêché, ça.
Dans la boutique du fromager je choisis un Mont d’Or, un demi Valencay, deux Rocamadour… pas de péché. Ça m’agace, il m’en manque. Chez le caviste, toujours rien. Je pousse la porte du boulanger dont la vitrine proclame, en énorme : ici, on fait le meilleur flan de Paris. Ah, oui, je souris pour moi-même : l’Orgueil ! Je flaire mon pain tout chaud en me dirigeant vers chez moi. Dans l’ascenseur, j’ai déjà mangé la moitié de la baguette, et je compte mes pêchés. Ça pourrait faire sept, mais je ne suis pas sûre de la Vanité…
En retrouvant la douceur de la peau mon bébé qui gazouille, les yeux brillants, j’oublie tout ça. Sa petite bouche vorace qui se rue sur moi. Un peu plus tard, son visage tout bouffi de lait se rejette en arrière, ivre et béat. Repue, elle se repose un moment, les yeux mi-clos, puis pousse un petit soupir de contentement. Quand elle reprend le sein avec un sourire malicieux, ça me revient.
Bien sûr.
La Gourmandise


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