vendredi 8 avril 2011

La grossesse, Yoko Ogawa


Vue de l’extérieur, la gestation est un processus étrange, dont on se sent exclu, et qui peut même inspirer de l'aversion.
C’est le cas dans La grossesse, courte nouvelle de Yoko Ogawa, dont nous avons également déjà parlé. La femme enceinte est ici la sœur de la narratrice, c'est un personnage assez angoissant. Un être fragile devenu étonnamment placide, d'abord nauséeuse, puis plongée dans une obsession monomaniaque pour la confiture de pamplemousse. La nourriture est omniprésente, dépouillée de toute qualité sensorielle, comme le marqueur d’un processus organique à l’œuvre quelque part. Le principal élément qui m’a frappé par sa justesse, c’est le retour dès l’annonce de la grossesse des souvenirs d’enfance, ceux de la narratrice et de sa sœur, qui conditionnent beaucoup des choix de celle-ci. Manifestement, la préparation d’un enfant est un fait familial profondément ancré dans l’enfance. 
En dehors de cela c'est un livre troublant. On ne ressent aucune émotion dans cette description presque entomologiste. Malgré la rationalité parfaite du contenu, on a parfois l’impression de lire une nouvelle fantastique, et l'hostilité cachée de la narratrice n'a rien de rassurant. 
A conseiller donc à celles que la béatitude molle exaspère...

Trois femmes, Sylvia Plath



Le premier, le plus grand, le plus beau, le plus universel des textes de la section Fécondités est aussi le plus court. Il s’agit de Trois femmes, court poème polyphonique de Sylvia Plath, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici. Trois monologues s’entrecroisent. Dans chacun d’eux, une femme et un bébé. La première va donner naissance, la deuxième perd son enfant, la troisième n’en veut pas. Féminité, fécondité, vie, souffrance, choix. Tout est dans ce texte. L'amour et l'ambivalence, la peur farouche du corps, l'évidence intermittente de l'acte de créer, la béance. La femme dans un monde d'hommes, condamnés sans remède à rester "plats". C’est indicible de beauté et de violence. Terriblement vrai, à vous arracher les tripes.
Je ne peux pas trop commenter ce texte qui doit être lu.

« Je serai un mur et un toit, qui protège./ Je serai un ciel, une montagne de bonté »

« Quelles souffrances, quelles tristesses,/devrai-je enfanter et chérir ? »
 
« C’est une chose terrible/ Que d’être si ouvert. Comme si mon cœur /Se faisait un visage et faisait son entrée/dans le monde. »

Lisez Sylvia Plath. Absolument. Peut-être à distance d’une grossesse ou de l’accouchement, si la violence des émotions vous trouble. Mais lisez-la.
Lisez-la si vous n’êtes pas enceinte, si vous n’êtes pas femme.
Pour une raison simple : la poésie est sublime et on a rarement écrit quelque chose d’aussi vrai.

dimanche 3 avril 2011

Femme

Je suis femme parce que j’écris,
et je me dresse devant eux

Je suis femme parce que je saigne
                parce que je pleure et que je le dis.
Je suis femme de te sentir en moi
                d’enceindre dans mon corps un autre corps qui vit
de rêver toujours voir l’envers du décor,
                et la frontière, au fond, entre le moi et l’autre

Je suis femmes
                parce que ce corps
Je suis femmes
                parce que dans leurs yeux

Je suis femme de connaître la nuance infinie
                 entre l’amour et la liberté
Je suis femme parmi elles
Je suis transmission verticale : tête haute et ventre lourd
Je suis lettres, je suis âme, je suis colère
copyright
Marie Hélène Le Ny


Je suis amour




écrit à l'occasion du projet "on ne naît pas femme, on le devient"
de Marie Hélène Le Ny, photographe
Vernissage de l'exposition le 4 mai à Aulnay sous Bois


www.mariehelene-leny.fr