mardi 31 mai 2011

Journal de la création, Nancy Huston

     Nancy Huston est une femme, vivante. Née au Canada, elle vit à Paris et écrit en français.
     Nancy Huston, c’est l’étonnant équilibre entre une écriture qui met tout le monde d’accord et des qualités intellectuelles et humaines rares. 
     J’ai mis du temps à me pencher sur ses livres, rebutée (snobisme mal placé) par l’abondance de publicités dans le métro et de ses chroniques dans la presse, mais une fois que j’y suis allée j’ai découvert une finesse et une intelligence unique de la condition de femme écrivain, femme mère, femme intellectuelle.
     Le Journal de la Création est un essai/récit qui déroule en parallèle la deuxième grossesse de l’auteur narratrice, sa recherche sur les couples créateurs, et le récit presque parasite d’une étrange maladie neurologique qui l’a saisie dans l’intervalle entre ses deux enfants.
     Elle déroule avec violence les avancées et les frustrations intimes et publiques des femmes « en couple d’artistes » :
     Combat de Zelda contre à Francis Scott, longue route de Virginia cramponnée en toute frigidité à Leonard, ascension de Simone avec son alter ego Jean Paul, passion de George pour Alfred, conjugalité, maternité et souffrance de la création pour Sylvia, femme trompée, tant d’autres encore…
     Au présent, enceinte, la narratrice qui retrace ses allées et venues et la genèse de son travail jouit de cette liberté créatrice extrême de la gestation, de la béance qui éloigne bizarrement les peurs, fait ressortir les souvenirs et les mécanismes et réorganise l’inconscient. Elle ne craint pas de parler à son corps, de son corps.
     Ainsi rejaillit le souvenir de la lente paralysie froide  qui a envahit son corps deux ans auparavant. Elle décrit la bizarre dévitalisation et déféminisation (figidité), la presque mort engendrée cette fois par une pure souffrance de l’esprit.

     C’est une lecture fluide, accessible, portée par une érudition facile et la finesse de l’analyse, mais dont la vraie singularité réside dans un discours de femme non univoque, qui ne recule pas devant le corps, devant l’ambivalence, la souffrance ou les bonheurs simples.
Un vrai reflet de vie.

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